• Oui, mon vers croit pouvoir, sans se mésallier,
    Prendre à la prose un peu de son air familier.
    André, c’est vrai, je ris quelquefois sur la lyre.
    Voici pourquoi. Tout jeune encor,
    tâchant de lire dans le livre effrayant des forêts et des eaux,
    j’habitais un parc sombre ou jasaient des oiseaux,
    ou des pleurs souriaient dans l’oeil bleu des pervenches;
    un jour que je songeais seul au milieu des branches,
    Un bouvreuil qui faisait le feuilleton du bois
    M’a dit :  » il faut marcher à terre quelquefois.
    La nature est un peu moqueuse autour des hommes;
    O poètes , tes chants, ou ce qu’ainsi tu nomes,
    Lui ressembleraient mieux si tu les dégonflais.
    Les bois ont des soupirs, mais ils ont des sifflets.
    L’azur luit, quand parfois la gaîté le déchire;
    L’Olympe reste grand en éclatant de rire;
    Ne crois pas que l’esprit du poète descend lorsque
    entre deux grands vers un mot en dansant.
    ce n’est pas un pleureur que le vent en démence;
    le flot profond n’est pas un chanteur de romance;
    Et la nature, au fond des siècles et des nuits ,
    Accouplant Rabelais à Dante plein d’ennuis,
    Et l’Ugolain sinistre au Grandgousier difforme,
    Près de l’immense deuil montre le rire énorme. »
    Les Roches 1830.A  André Chénier.
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  • Les Regrets.

    Heureux qui comme  Ulysse, a fait un beau voyage,
    ou comme celui-là qui conquit la toison, 
    Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
    Vivre entre ses parents le reste de son âge! 
    Quand reverrai-je, hélàs, de mon petit village 
    Fumer la cheminée: et en quelle saison 

    Reverrai-je le clos de ma pauvre maison, 
    Qui m’est une province, et beaucoup d’avantage?
    Plus me plaît le séjour qu’on bâti mes aïeux, 
    Que des palais romains le front audacieux:


    Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine, 

    Plus mon Loire gaulois , que le Tibre latin,
    Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
    Et plus que l’air marin la douceur angevine.

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  • Poète Italien.
    Ne nous demande pas le mot qui taille carré
    Notre esprit informe, et en lettres de feu,
    L’affirme et le fasse resplendir comme un crocus

     

    Perdu au milieu d’une pelouse poussiéreuse.
    Ah! l’homme qui s’en va d’un pas sûr,
    Et n’a cure de son ombre que la canicule
    Imprime sur un mur décrépi!

    N’exige pas de nous la formule qui puisse t’ouvrir des mondes,
    Mais quelque syllabe difforme, sèche comme une branche.
    Aujourd’hui nous ne pouvons que te dire ceci:
    Ce que nous ne sommes pas, ce que nous ne voulons pas.

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  • Gyula Illyés
    ( poète hongrois,1902-1983).

     

    Ni ceci, ni cela. Ni les feuillages secs 
    Des sourires fanés,
    ni les vapeurs d’automne

    Pesant sur le pays las de tes rêves de l’aube
    N’arrêteront plus le coeur qui se laisse emporter

    Le coeur qui s’endort en des terres lourdes
    Que tous les lourds soupirs de cruels messages
    Emporte impassible aux flots âcres des draps

     

    Flots âcres des nuages vers l’avenir des eaux.

    Dans un pays profond profond pour les yeux
    Saisis par les souvenirs d’un départ sans adieux
    Sans larmes sans au-revoir.
    pour paul Eluard.

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  • Les Colchiques.

    Le pré est vénéneux mais joli en
    automne
    Les vaches y paissent
    Lentement s’empoisonnent
    Le colchique couleur de cerne et de lilas
    Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là
    Violâtres comme leur cerne et comme
    cet automne
    Et ma vie pour tes yeux lentement
    s’empoisonne

     

    Les enfants de l’école viennent avec fracas

    Vêtu de hoquetons et jouant de l’harmonica
    Ils cueillent les colchiques qui sont comme
    des mères Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
    Qui battent comme les fleurs battent
    au vent dément

     

    Le gardien du troupeau chante tout
    doucement

    Tandis que lentes et meuglant les vaches
    abandonnent Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l’automne.
    G.Apollinaire.
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  • Un espagnol parle de sa terre.

     

    Les plages et les landes
    Dormant au soleil blond,
    Les tertres et les plaines,
    Paisibles, seuls, lointains;

    Les châteaux, les chapelles,
    Les fermes, les couvents,
    La vie avec l’histoire
    Au souvenir si douces,

    Tout cela, les vainqueurs
    _ Ces éternels Caïns-
    Me l’ont arraché, oui.
    Ils me laissent l’exil.

    Dans mon corps une main
    Divine souleva
    Ta terre, et la voix fit
    S’exprimer ton silence.


    J’étais seul avec toi
    Et ne croyais qu’en toi;
    Ton seul nom maintenant
    Empoisonne mes rêves

     

    Comment vit une rose
    Si on l’arrache au sol?
    Les jours de la vie sont
    Amers à qui, à force

    De souvenirs, ne vit
    Qu’une très longue attente
    . Un jour, quand tu seras
    Libre de leur mensonge,
    Tu me chercheras.

    Mais Que pourrait dire un mort?
    ( 1902-1963).

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  • Poète Africain.
    L’homme qui te ressemble.

     

    J’ai frappé à ta porte,
    j’ai frappé à ton coeur
    Pour avoir un bon lit,


    Pour avoir un bon feu.
    Pourquoi me repousser?
    Ouvre moi, mon frère…
    Je ne suis pas un Noir,


    Je ne suis pas un Rouge,
    Je ne suis pas un Jaune,
    Je ne suis pas un Blanc,
    Je ne suis qu’un Homme.

     

     

    Ouvre moi, mon frère.
    Ouvre moi ta porte,
    Ouvre moi ton coeur,
    Car je suis un homme,


    L’homme de tous les temps,
    L’homme de tous les cieux,
    L’homme qui te ressemble.

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